Mgr Stanislas JEZ
Quel est le contenu de notre prière dans notre rendez vous d'amour?
30ème dimanche ordinaire
Délicieuse, je dirai même truculente, parabole que celle du pharisien et du publicain. Nous sommes dans un monde où les pharisiens sont une race qui prospère assez bien, tandis que les publicains sont en voie de disparition. Il y a juste un détail important… le pharisien d’aujourd’hui ne prie plus….
Dans l’Evangile, le pharisien et le publicain savent prier, ils commencent par « Mon Dieu ». C’est la mise en présence, l’appel à la présence. Il faut que la présence de Dieu, évoquée intensément, remplisse tout de suite l’espace où nous allons prier : le lieu de notre prière, notre pensée et notre cœur, toutes les minutes de notre rendez-vous. Sinon, nous voulions peut-être prier, mais nous serons restés avec nous-mêmes.
Ces deux hommes ont donc bien démarré. Pourquoi la prière du pharisien dérape-t-elle alors que celle du publicain fonce victorieusement vers Dieu ? « Je vous le déclare, dit Jésus, quand ce publicain rentra chez lui, c’est lui qui était devenu juste et non pas l’autre ».
Le pharisien avait invoqué Dieu, mais il l’occulte tout de suite avec son énorme JE .Je fais ceci et cela, je ne suis pas comme celui-ci et celui-là. Dieu peut-il rester une seconde avec ce plein de soi ?
Le publicain saisit Dieu avec son humble adjuration : « Prends pitié ! » Il paraît que des puristes se sont moqués de ce « prends pitié » quand il apparut dans la liturgie en français. Ils n’ont pas su voir à quel point c’est une prière dense et exacte, dans le droit fil de ce que Jésus nous a révélé. Dieu nous regarde avec miséricorde, avec une pitié d’amour, une compréhension qui fait frémir son cœur quand il voit que le nôtre frémit aussi : » un cœur brisé, Seigneur, tu ne le méprise pas ». (psaume de la pénitence). Cette miséricorde de Dieu n’est pas générale, vague, elle attend notre appel et, alors, Il prend pitié.
Dans cette présence à Dieu, qu’il a su garder en restant petit, le publicain peut introduire son « je », mais à la dernière place de sa prière. Avant, il glisse un mot : pêcheur. « Prends pitié du pêcheur que je suis ».
La prière chrétienne est un rendez vous d’amour, et donc un toi et moi, mais comme il faut veiller à ce que le TOI reste premier et immense et notre moi bien dernier, modeste, lucide : le pêcheur que je suis.
Quand la prière est-elle bonne ?
Je voudrais attirer votre attention sur 3 éléments de la prière !
Premièrement : à qui parlons nous ? nous devons être conscient de la présence de Dieu. Il nous voit, Il nous entend, Il nous aime.
Deuxièmement nous devons être conscient de qui nous sommes devant Dieu, nous somme une créature.
L’homme en face de Dieu n’est jamais juste, il ne peut être que pêcheur justifié. Le vrai chrétien n’est pas plus gracieux que les autres, il se sait gracié.. pêcheur gracié, sauvé !
Lorsqu’on parle de péché ? le monde répète sans cesse : « connais pas ! »
Pourtant comme elle est belle et vraie cette formule qui commence nos confessions « Bénissez moi, mon père, parce que j’ai pêché ». Pensons y pour préparer la fête de la Toussaint prochaine.
Troisièmement : Quel est le contenu de notre prière, de notre rendez vous d’amour ? On peut reconnaître la grandeur de l’homme à ce que nous disons et demandons à Dieu.
Il est le « Bon Dieu ». Quel dommage que cette expression ait été dévaluée et galvaudée.
Dieu n’écrase pas mais redresse. Dieu ne détruit pas mais guérit.. Dieu , au lieu de condamner, pardonne… au lieu de punir, libère. Bref, le Dieu révélé par Jésus s’adresse non pas aux justes mais aux pêcheurs, parce qu’Il est amour. Le préféré de Dieu, c’est celui qui a le plus besoin de Lui !
L’enfant malade, handicapé, celui qui requiert le plus de soins de sa mère, c’est celui là qui suscite le plus d’amour, parce qu’il ne peut pas vivre sans l’amour de cette mère.
Dieu ne méprise pas le pêcheur. Il souffre avec lui de son mal.
Utilisons donc à fond cette parabole du pharisien et du publicain pour déraciner en nous l’indéracinable conviction pharisienne : croire qu’il suffit de faire des choses biens pour être un homme bien et plaire à Dieu. « Je fais ceci et cela ». A quoi répond le cri de la première chrétienne, Marie : « Qu’il me soit fait : ». Quel retournement !
C’est le retournement de la parabole : elle s’ouvre sur un homme qui fait beaucoup, qui est sûr de lui et qui croit se justifier, elle se ferme sur un homme sûr de Dieu et qui est justifié parce qu’il a su dire : « Prends pitié ».
Et je laisse à votre méditation les paroles de Mère Thérésa :
Le fruit du silence est la prière
Le fruit de la prière est la foi
Le fruit de la Foi est l’amour
Le fruit de l’amour est le service
Le fruit du service est la paix